Cela fait longtemps que je souhaitais écrire un article un peu plus personnel, dans lequel je parlerais de ma grossesse, de la naissance de Lila mais aussi de mes projets pour accompagner les familles dans cette aventure qu’est la parentalité…
Je ne savais pas trop comment structurer tout ça. Un article? Deux ? Trois ?
J’ai juste allumé mon ordinateur. J’ai commencé à écrire… Et ça a donné ça.
Un peu plus brut, moins structuré, les thèmes s’y mélangent. Mais rien de plus authentique que cet article.
Depuis que je suis mère j’ai cette envie qui m’anime : faire quelque chose pour aider avant tout, celles qui s’apprêtent à le devenir, ou qui le sont déjà, pour qui c’est difficile ou qui ont tout simplement envie d’être épaulées et écoutées. Toutes celles qui se retrouvent emportées par le tourbillon de la grossesse, de la maternité. Toutes celles qui essaient de se laisser bercer et toutes celles qui luttent un peu aussi.
En ce qui me concerne, près de trois ans plus tard, j’ose le dire tout haut mais surtout à qui veut l’entendre, sans honte, avec une pointe de tristesse tout de même : je ne me suis jamais sentie aussi seule de toute mon existence qu’en portant la vie…

Objectivement, j’ai encore parfois du mal à m’autoriser à me « plaindre » de ma grossesse. C’est vrai…. après tout, j’ai eu un peu de difficultés à tomber enceinte, mais pas autant que de nombreuses femmes. Il m’a juste fallu un vrai lâcher prise, vous savez? Ce fameux conseil tout naze que tout le monde se permet de vous donner quand vous exprimez le souhait d’avoir un bébé. : « Oh cesse donc d’être si impatiente, arrête d’y penser, ça arrive quand on y s’attend le moins…. ».
Et donc c’est seulement trois ans après que je me sens enfin prête à raconter mon expérience, celle qui est devenue la source de mon cheminement actuel.
Bref en ce qui me concerne, il s’avère que cela reste vrai. C’est bien au moment où je m’y attendais le moins, où j’avais même perdu complétement espoir, que j’ai découvert ma grossesse. (Ce n’est d’ailleurs pas parce que c’est vrai que cela donne pour autant le droit aux autres de le clamer à tout va. Un peu d’écoute et de bienveillance ne serait pas de trop dans ces moments-là). Surtout que, je le dis toujours mais ce n’est pas parce qu’on dit d’arrêter d’y penser que cela aide. Si je vous dis « Surtout, ne pensez pas à un éléphant rose », que voit votre cerveau?
Revenons-en à mes 9 mois de grossesse au cours desquels je peux dire que tout s’est médicalement passé « comme sur des roulettes » hein?! Quelques petites nausées au premier trimestre, rien de bien méchant. Quelques désagréments par la suite et des petits tracas qui ont commencé tout de même à engendrer beaucoup de contrariétés.
On pourrait s’y préparer, si on était un peu plus épaulée, guidée, éclairée, écoutée….

Au lieu de ça, nous sommes lâchées dans la fosse! Dès lors que le test est positif, ce n’est plus qu’une avalanche de rendez-vous médicaux, de démarches administratives…
On nous balance toutes ces infos un peu n’importe comment, pas toujours les mêmes infos d’ailleurs et puis débrouillez-vous!
Filez sur Google pour faire vos recherches, achetez donc 12 000 bouquins afin d’essayer de rassembler les informations dont vous avez besoin. Faites comme vous voulez mais surtout ne loupez pas les délais pour les rendez-vous, notamment celui d’échographie de datation (même si vous n’avez probablement aucune idée de ce que c’est). Si vous vous plantez et que la date de dernière règles ne rentre pas dans les cases de la prise de rendez-vous, vous risquez de contrarier la secrétaire.
Je me suis bien souvent sentie infantilisée par le personnel administratif, mais aussi médical que je ne voulais parfois pas trop déranger avec des questions…
A côté de ça, les hormones, la fatigue, l’inquiétude, les superstitions « N’en parle pas, ne te réjouis pas… pas avant passés les 3 mois… au cas où, c’est mieux… »
Au cas où quoi d’ailleurs?
Comme si le fait d’annoncer ma grossesse avant les 3 mois attirerait forcément les mauvaises ondes, et surtout comme si jamais je perdais mon bébé, j’arriverais à surmonter ça en silence, sans que personne de mon entourage ne s’aperçoive que mon monde s’est écroulé…
Ne dis rien avant 3 mois….
Un tiers du temps de cette expérience à faire comme s’il ne se passait rien, alors qu’il se passe tellement de choses…
D’ailleurs, après les 3 mois, le sentiment de solitude est toujours là…
Heureusement, les nausées disparaissent, bébé va bien, c’est l’été, je suis en forme.
« Tu es enceinte ? Oh la la quel bonheur !!! Profite ça passe tellement vite! C’est génial la grossesse!!! »
En revanche, je ne supporte plus d’entendre ça. Genre… Vraiment.
Peut-être parce qu’au bout d’un moment je me suis demandée pourquoi je ne trouvais pas ça génial moi?
Pourquoi j’étais aussi contrariée par de toutes petites choses, pourquoi mes angoisses de perte de mon bébé ne s’estompaient pas. Est-ce que ça voulait dire que j’étais coincée avec mes peurs pour cette petite personne qui grandit dans mon ventre, pour tout le restant de ma vie?

A ce moment là, clairement, le personnel médical est compétent… mais n’a pas le temps….
Et comme je ne dois pas être suffisamment calée dans le domaine de la pêche aux infos, je passe à côté du premier rendez-vous de prise de contact avec une sage femme libérale et ne la rencontre que pendant mon 6ème mois de grossesse.
6ème mois au cours duquel je suis alors à ce moment là complètement déprimée.
Mon corps change de plus en plus, je trouve ça trop beau sur tout le monde mais vraiment pas sur moi.
J’adore l’idée de bientôt serrer mon bébé dans mes bras. Je l’aime déjà si fort. Je lui parle, je lui chante des chansons et lui raconte des histoires tous les jours. J’aime ça.
Mais je me sens toujours seule et coincée avec l’appréhension de la suite.
Je remercie encore tout de même du plus profond de mon coeur ces sage femmes qui ont pris le temps de m’écouter, de m’apaiser, de me rassurer. Elles m’ont beaucoup apporté. Elles m’ont aidé à accepter ce que je ressentais, sans jugement.
Toutefois, le dernier trimestre est vraiment éprouvant. De grosses difficultés conjugales, des démangeaisons nocturnes sans explication dès la 30ème semaine… jusqu’à la fin…
Je ne dors plus.
Je me sens toujours aussi seule…. Je me sens un peu mal de l’écrire. J’ai quand même quelques amies proches qui étaient là, avec leur bienveillance et leur compassion. Tant bien que mal… Je les en remercie encore aujourd’hui. Je n’oublie pas.
Et puis de toute façon, il va falloir que mon couple surmonte les difficultés qu’il traverse pour affronter la terrible épreuve de cette belle nuit de Noël, au cours de laquelle nous avons rencontré Lila.
L’accouchement en lui-même se passe bien. Je suis déclenchée (parce que mon terme est dépassé et que les démangeaisons s’accentuent), c’est rapide. Je souffre peu et l’équipe médicale est géniale.
J’arrive aujourd’hui malgré tout à garder quelques belles images au milieu de ce véritable cauchemar…
Je n’ai pas vu le visage de mon bébé quand il est sorti et qu’on me l’a posé quelques secondes sur le ventre (histoire de…)
Ce petit être a probablement manqué d’oxygène, une prise en charge médicale urgente est nécessaire.
Lila tarde à revenir contre moi… vraiment. Et quand elle revient, elle est fatiguée, molle…. Mais je peux enfin la voir, la toucher, la contempler…Depuis 9 mois je n’attends que ça.
Je n’oublierai jamais cette fierté en remontant dans ma chambre, mon bébé dans les bras.
Le bonheur de pouvoir la serrer contre moi, nous glisser sous les draps ensemble…. pour quelques instants seulement… pour la première, et la dernière fois en cet endroit en tout cas… avant que tout ne dégénère pour de bon :
les convulsions, la réanimation, et cette interminable séparation qui scelle ses premiers instants de vie…
Ces longues heures immobilisée sur un lit à attendre de ses nouvelles…. l’impuissance….
Des examens…. Un bébé qui végète presque….
Le verdict tombe : « Votre bébé a fait un AVC »… Trois petites lettres, assassines.
Le monde qui s’écroule. Vraiment. Comment est-ce possible? Pourquoi elle ? Pourquoi moi? Pourquoi nous?
La peur, le sang froid, garder le cap, rester près d’elle, partir pour se reposer, mieux revenir… La néonat…. le chagrin…. l’inquiètude…. l’espoir, la rationalisation, positiver, crier, pleurer, supplier, presque prier…..
Se laisser porter, être entouré par un personnel médical compétent mais qui n’a toujours pas le temps….
J’ai détesté ma grossesse. Je me suis promise d’arrêter d’avoir honte de le dire, mais je reste peinée de l’avoir vécu ainsi.
Et j’en ai voulu à la terre entière, à toutes ces femmes qui passent leur trois petits jours « peinardes » avec leur bébé dans leur chambre à la maternité *, surtout quand la maladresse d’une sage femme nous rattrape « Bah pourquoi vous n’avez plus de berceau dans votre chambre, il est où votre bébé? »
*On le sait qu’en réalité elles sont parfois loin d’être « peinardes » avec leur bébé.
Je n’ai jamais eu aussi peur de toute ma vie que pendant les jours, les semaines et les mois qui ont suivi. Cette peur que tout bascule de nouveau en quelques secondes, que mon enfant meurt comme ça sans prévenir. J’ai probablement tout envisagé.

Des questionnements, des inquiétudes, de l’incompréhension, de la solitude, pendant 9 mois j’en ai ressentis.
Le personnel médical est compétent mais n’a pas le temps.
Alors, même si ce n’est pas exactement mon domaine de compétences initial, parce que moi ce que j’aimais avant tout ça c’était de pouvoir aider les enfants à grandir, à devenir des êtres humains heureux, épanouis, instruits… Mais pour être heureux, il faut avoir eu une naissance heureuse aussi…
Après tout ça, ces 9 mois, cette épreuve, je ne peux plus supporter l’idée de laisser mes copines enceintes se sentir perdues, je ne veux plus entendre des collègues qui n’osent pas dire qu’elles se sentent seules pendant leur grossesse.
Je ne veux plus entendre des mamans dire qu’elles se sentent démunies, qu’elles aimeraient en parler mais ne se sentent pas comprises….
J’ai chaque jour cette envie : accompagner, écouter, soutenir et aider les autres mamans (et papas aussi!)
Je crois profondément qu’il est grand temps d’en finir avec ces injonctions sur la préconception, le lâcher prise, tout ce mythe de l’épanouissement parfait pendant la grossesse (même s’il est réel pour de nombreuses femmes, et heureusement!!!), tous ces non dits sur le post partum, tous ces trop dits sur ce qu’on doit faire ou ne pas faire avec son bébé, toute cette pression, cette course à la mère, femme, épouse, working girl parfaite….
J’ai vraiment cette profonde envie qui m’anime depuis plusieurs mois désormais de pouvoir accompagner les parents dans ces moments qui sont difficiles, mais qui sont aussi uniques et qui marquent à jamais nos mémoires et nos vies.
J’ai envie de me donner, d’écouter comme j’aurais voulu l’être pendant ma grossesse, pendant les épreuves, comme j’ai pu l’être à de brefs instants heureusement…
J’ai envie de transmettre ce que je suis allée chercher chez des personnes qui m’ont enseigné comment créer du lien avec mon bébé (nous en avions tellement besoin après avoir été séparées) à travers la proximité physique, le toucher, les massages.
J’ai envie que tout le monde sache à quel point ça fait du bien au bébé, à la maman, au co-parent, de vivre ça avec son enfant…. Un moment, dans l’instant présent, hors du temps, de connexion…
Ces personnes qui m’ont aussi appris comment aider mon bébé à développer toutes ses facultés motrices entre autres (moi qui avais si peur qu’elle ne puisse jamais marcher, parler….)
J’ai envie d’accompagner les parents dans l’éveil de leur enfant, parce qu’on peut passer tellement de beaux moments allongés nous aussi sur un tapis d’éveil ….
J’ai envie de permettre aux parents de croire en eux, de croire en leurs capacités, ils sont ce qu’il y a de mieux pour leur enfant …
Voici l’origine du chemin sur lequel je me trouve à présent.

J’écris cet article, d’une traite, avec mon coeur, 3 ans après ma grossesse, ou 2 ans et 5 mois après la naissance de Lila.
Lila qui a fait un AVC périnatal dont les causes resteront à jamais inconnues.
Lila qui a été hospitalisée en service de réanimation puis néonatalogie, qui a rencontré divers professionnels pour des bilans et suivis (psychomotricien, kiné, neuropédiatre, ophtalmo spé.. J’en oublie…)
Lila qui n’a aujourd’hui aucune séquelles motrices ou cognitives des suites de son AVC.
Lila ma guerrière qui connait déjà toute son histoire, qui nous a donné une belle leçon sur la résilience, qui s’épanouit de jour en jour, pleine de vie, affectueuse, équilibrée et tout simplement merveilleuse.
Tellement émouvant … Quel parcours !
Et même quand tout roule et tout est beau il y a son lot de difficultés.
Je pensais l’autre jour : « c’est bizarre depuis que j’ai accouché (1an et accouchement très difficile), on ne demande plus du tout comment va la maman « . Même pendant la grossesse a part physiquement personne ne s’inquiète du reste. Personne ne s’est jamais soucié de comment j’allais depuis. On vit le truc le plus incroyable, puissant, violent,douloureux, heureux, difficile (j’en passe) de notre vie et c’est normal (on est faite pour ça –‘). J’ai plus que tout aimé ma grossesse , j’aime ma maternité (malgré qu’il faut encore accepter le’changement physique et psy )mais je me sens aussi très seule avec ce sentiment de devoir batailler avec les jugements et mes idées…. Alors merci de prendre le temps d’éclairer notre chemin à nous les mamans !
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